Acte III de la décentralisation : les grandes orientations

 

 

 

 

 

 

 

Vendredi 5 octobre, à l’occasion des États généraux de la démocratie territoriale, le président de la République a précisé les grands axes de la prochaine étape de décentralisation du pays. Présenté début 2013 au Parlement, la réforme maintient l’échelon départemental, renforce le pouvoir des régions et élargit le droit à l’expérimentation. 

Sans qu’une réelle concertation nationale ait eu lieu, la nouvelle organisation des collectivités territoriales est déjà en marche.

Élaboré cet été sous la responsabilité de la ministre de la Fonction publique Marylise Lebranchu, l’acte III de la décentralisation est censé assurer une « meilleure » répartition des compétences entre les collectivités et contribuer à la réduction de leurs dépenses pour arriver à l’équilibre.

Durant les États généraux de la démocratie territoriale qui se sont tenus à la Sorbonne les 4 et 5 octobre derniers, les élus territoriaux étaient néanmoins invités à soumettre leurs propositions dans le cadre de cette réforme.

Après deux jours d’échanges, François Hollande a clos les débats en présentant les grands axes du  nouvel acte de décentralisation. Si des dispositions modifient la réforme du précédent gouvernement (loi du 16 décembre 2010), plusieurs éléments en assurent en grande partie la continuité,

L’échelon départemental maintenu

Le maintien du département semblait menacé depuis la création du conseiller territorial sous le gouvernement Fillon. Instituant un élu unique pour la région et ses départements, cette mesure ne sera finalement pas appliquée.

Depuis plusieurs années, des critiques virulentes remettaient en cause les départements, considérés comme une source de dépenses importantes et de complications dans l’application des politiques territoriales. Pour autant, le président de la République a confirmé le maintien de cet échelon en rappelant son rôle essentiel dans le champ de l’action sociale et en balayant l’argument économique : « A part quelques dizaines d’élus, où est l’économie ? » a-t-il ainsi interrogé. Une déclaration qui fait écho à celle de Jean-Pierre Bel, président PS du Sénat, rappelant que  « les collectivités, c’est 10% de l’endettement public du pays. Elles font déjà des efforts depuis trois ans avec le gel des dotations ».

Par ailleurs, la suppression de cet échelon ne serait, selon le gouvernement, pas garante de plus d’efficacité et risquerait surtout d’éloigner les citoyens des décisions publiques.

« À mes yeux, le problème n’est pas tant le nombre d’échelons. Le problème c’est la répartition des compétences et c’est la gouvernance de nos territoires » a déclaré François Hollande.

De nouveaux transferts de compétences 

Afin d’« éviter la confusion entre responsabilités de l’Etat et des collectivités », le projet de loi renforcera la logique des « blocs de compétences », déléguant aux collectivités de nouvelles attributions de l’Etat. Ce nouvel acte consacre les régions comme la structure pivot du développement économique des territoires.

Il leur attribue d’une part le  pilotage de l’ensemble des politiques territoriales liées à l’emploi et à la formation et d’autre part le soutien aux PME et TPE.

Le département verra, quant à lui, son rôle dans le champ de l’action sociale renforcé à travers la prise en charge de l’ensemble des politiques du handicap et de la dépendance, hors du champ de l’assurance-maladie.

Le bloc communal se verra attribué la transition énergétique.

En ce qui concerne les financements, les régions seront appuyées par deux types d’outils :

–       la Banque publique d’investissement qui pourra « mutualiser ses besoins avec ceux des régions », adoptant de fait une organisation décentralisée, *

–       ainsi que les fonds structurels européens qui seront directement gérés par les régions et non plus par l’Etat.

Pour les départements, François Hollande est resté plus flou, évoquant la nécessité de définir un financement « suffisant et pérenne aux Conseils généraux ». Un « paquet financier » sera mis en place à cet effet dans le courant de 2013.

Le droit à l’expérimentation élargi

En parallèle, et sur la lancée de la loi de réforme territoriale de 2010, le gouvernement  va renforcer le droit à l’expérimentation, en supprimant les « verrous » actuellement posés pour son utilisation.

Ce droit permet, par exemple, d’envisager la fusion des deux conseils généraux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin et du Conseil régional d’Alsace au sein d’un seul et même « Conseil d’Alsace ». Une telle réorganisation entraînerait une réduction drastique des effectifs publics de ces trois collectivités, de l’ordre de 40% selon une estimation des services de l’Etat en janvier dernier.

Il pourrait en être de même pour les départements de la Drôme et de l’Ardèche qui disposent déjà chaque année d’une « assemblée bi-départementale ».

Ce droit à l’expérimentation va de pair avec une autre évolution majeure : le  transfert du pouvoir normatif et réglementaire aux collectivités territoriales afin que celles-ci adaptent les dispositifs existants selon leurs spécificités.

L’avènement d’une « République territoriale »

Pour faciliter ces mouvements, la loi permettrait de passer outre l’organisation d’un référendum local, aujourd’hui nécessaire pour créer un conseil unique. Ce mouvement préfigure ainsi la mise en place d’une décentralisation à la carte. « Les collectivités qui le souhaiteront expérimenteront […] leurs propres transferts.

Un département pourra, par exemple, confier aux intercommunalités la mission de promouvoir le tourisme » a précisé Marylise Lebranchu.

Si François Hollande a souhaité réaffirmer la place de chaque échelon à l’échelle territoriale, l’élargissement du droit à l’expérimentation laisse cependant  la porte ouverte à un changement profond de l’organisation des collectivités, au sein duquel les départements pourraient être appelés à fusionner.

C’est l’avènement d’une « République territoriale », réclamée par plusieurs élus mais fortement récusée par FO Territoriaux