Edito : Accord sur l’emploi, le dossier n’est pas clos

L’Éditorial de Jean-Claude Mailly

 Les raisons ayant conduit le Bureau confédéral, appuyé par la Commission exécutive, à ne pas signer l’accord national interprofessionnel sur la compétitivité et la sécurisation de l’emploi, sont nombreuses.

 Nous avons imagé notre position en indiquant que cet accord consistait en la formule suivante: «la flexibilité c’est maintenant, la sécurisation demain, peut-être…»

 Un document d’explication de quatre pages, à gros tirage, est en préparation pour une diffusion dans les entreprises. Cet accord comporte deux volets et est révélateur de deux tendances.

Le premier volet, c’est la flexibilité.

 Les employeurs obtiennent, entre autres:

une remise en cause des procédures de PSE afin de pouvoir licencier plus rapidement;

 – la possibilité, via les accords majoritaires à 50% (!), de baisser les salaires sans avoir l’obligation, si nécessaire aujourd’hui, de faire un PSE;

 – la réduction de cinq à deux ans des délais de prescription pour la réclamation d’un salaire;

 – l’introduction dans l’ordre des licenciements d’un critère subjectif: la compétence professionnelle;

 – des mobilités internes forcées par accord;

la création d’un CDI intérimaire, vieille demande du patronat du travail temporaire qui veut rendre captifs les intérimaires les plus recherchés (10% à 15% des intérimaires).

Le deuxième volet, c’est la sécurisation.

 Là, les «acquis» sont modestes, aléatoires, inefficaces ou lointains:

complémentaire santé: rien ne garantit que tout le monde sera couvert (en 2016!), les assurances privées vont se développer, les accords mutualisés et solidaires dans les branches vont être pénalisés;

«surtaxation» des CDD courts: tous les contrats précaires ne sont pas concernés (par exemple l’intérim) et les employeurs obtiennent une exonération temporaire de cotisations patronales d’assurance-chômage pour les moins de 26 ans en CDI;

travail à temps partiel: les principes selon lesquels aucun contrat à temps partiel ne peut être inférieur à 24 heures hebdomadaires et toute heure complémentaire doit être rémunérée à 10% sont battus en brèche par deux moyens d’y échapper!

 – droits rechargeables à l’assurance-chômage. Là encore, le principe risque d’être contrebalancé par le fait que cela ne doit pas déséquilibrer financièrement l’Unedic. Dès lors, ou les cotisations augmenteront ou les prestations baisseront!

 Ce sont là les points essentiels de ce texte et les raisons de notre non-signature.

 S’agissant des tendances dans lesquelles s’inscrit cet accord, elles sont aussi contestées par Force Ouvrière.

La première, c’est la suite de l’adoption du pacte budgétaire européen qui inscrit la rigueur ou l’austérité dans le marbre.

Cela conduit dès lors à réduire les dépenses publiques et sociales et à faire du social (salaires et flexibilité) la variable d’ajustement.

La seconde, c’est l’accélération du glissement de la négociation de branche vers la négociation d’entreprise, utilisant les accords à 50% prévus dans la position commune et la loi sur la représentativité.

 C’est le modèle anglo-saxon contre le modèle républicain.

 Outre l’information large, nous intervenons auprès des groupes parlementaires et du gouvernement pour faire connaître nos positions.

 Il convient, en effet, que ceux-ci prennent leurs responsabilités en toute connaissance de cause.

 Ce sont les parlementaires qui votent les lois, non les interlocuteurs sociaux.

Dans le cas contraire, nous serions dans un régime corporatiste.

Sur tout cela je reviendrai, bien entendu, lors de notre meeting national du jeudi 24 janvier.

[important] Pour Force Ouvrière, le dossier n’est pas clos.[/important]